Violence conjugale: un mal complexe à éradiquer

NOUVEAUTE • La police de Lausanne a ouvert un espace autonome dédié à la prise en charge des victimes de violences conjugales. Une démarche novatrice pour lutter contre un fléau qui ne fléchit pas.

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Les chiffres sont révélateurs. Et inquiétants. Dans le canton de Vaud, l’année dernière, 1025 femmes et 401 hommes - 820 cas pour la seule ville de Lausanne - ont été maltraités par un(e) partenaire ou ex-partenaire. A l’origine de cette violence, on dénombre 1033 hommes et 393 femmes. Les deux faces d’un même miroir qui prouve que les violences de ce type, c’est d’abord, et très majoritairement, celles d’hommes à l’égard de femmes: insultes, menaces, bousculades, contraintes ou encore lésions corporelles. Les années passent et les chiffres ne fléchissent pas, nous rappelant régulièrement cette triste réalité.

Pas de profil type

Qui sont ces castagneurs? Impossible, nous disent les experts, d’en brosser le portrait type. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette violence concerne tous les milieux socio-économiques, quel que soit le statut social, l'orientation sexuelle, l'âge, le niveau de scolarité, la profession ou la religion des partenaires. Avec toutefois un profil psychologique similaire chez presque tous ceux qui en sont les auteurs: des traits d’impulsivité, des difficultés d’identifier et de communiquer leurs émotions, une volonté de garder le contrôle à tout prix, une image médiocre des femmes et un rejet de la faute sur la victime, pratiquement aucun auteur de violences ne se considérant comme un homme violent, mais plutôt poussé à bout par… sa partenaire.

Infraction pénale

En Suisse, la lutte contre la violence conjugale est reconnue comme une tâche d'intérêt public. Depuis près de 20 ans, elle ne relève plus de la sphère privée et constitue une infraction pénale poursuivie par l’Etat. Avec des lois qui ne cessent de s’adapter et de s’étoffer. Depuis le début de cette année, l’article 55a permet ainsi aux autorités, à la demande de la victime, de contraindre un auteur de violences visé par une interdiction de périmètre à porter un bracelet électronique. Dans le canton de Vaud, les autorités peuvent aussi prononcer une expulsion du domicile, selon le principe du «qui frappe part». Les personnes expulsées sont par ailleurs tenues de participer à au moins un entretien socio-éducatif.

Environnement neutre

Au-delà de cela, un des problèmes majeurs qui subsiste, c’est qu’encore beaucoup de femmes hésitent à porter plainte, par peur qu’une intervention policière ne leur fasse perdre le contrôle d’une situation déjà chaotique. Elles craignent que le système police-justice ne fasse pire que ce que leur avait fait subir leur propre agresseur. D'où l'importance de mettre à leur disposition un environnement neutre qui favorise le dialogue. A l’image de ce que vient de faire la Ville de Lausanne qui a loué un petit appartement, dont l’emplacement n’a pas été rendu public pour garantir une certaine discrétion. Les victimes de violence conjugale pourront bientôt y avoir accès sur rendez-vous après un premier échange. En parallèle, cette dernière va renforcer les effectifs de l’unité qui gère cette problématique en y ajoutant 16 policiers qui recevront une formation spécifique, dispensée par des professionnels spécialisés sur les questions des violences. Une démarche à saluer. Elle est une pierre de plus à l’édifice législatif et policier mis en place pour lutter contre ce phénomène extrêmement complexe à éradiquer qui, souvent, marque ses victimes à vie.