«Pour avoir la garde, le père de mon enfant me fait passer pour folle»

JUSTICE • Il s’agit d’une affaire de garde d’enfant comme les tribunaux en traitent quotidiennement. Mais dans ce dossier, Mélanie* doit se débattre avec une décision de justice qu’elle estime erronée. Obligée de recourir au Tribunal cantonal, elle se dit consternée.

Cela a été une relation de courte durée, après une rencontre sur Internet. Mais de cette fréquentation naît un petit garçon, que Mélanie choisit de garder. Son ex-compagnon ne veut plus en entendre parler et prend la poudre d’escampette… jusqu’à la naissance du petit, où, après un test de paternité, il sollicite une garde partagée, arguant que Mélanie souffrirait de problèmes psychologiques. Ce que conteste cette dernière: «Une situation de mobbing au travail m’avait amenée à consulter un psychiatre et j’étais sous anti-dépresseurs.» Pour faire la lumière sur son état mental, un mandat d’évaluation est confié à l’Unité d’évaluation et missions spécifique (UEMS) de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ). «Il m’a fait passer pour folle, et m’a mis un avocat sur le dos, alors que mon enfant n’avait que quelques mois!» Et depuis près de deux ans maintenant, Mélanie est empêtrée dans des procédures dont elle ne voit pas le bout, assistée de son avocat, qui n’a pas souhaité s’exprimer.

Mauvaise retranscription

C’est le dernier événement en date qui a poussé Mélanie, consternée, à nous contacter: la décision d’une juge du Tribunal d’arrondissement de Lausanne, concernant le droit de visite, se serait basée sur une mauvaise relecture des affirmations d’une représentante de la DGEJ. La juge y écrit que le rapport de l’UEMS n’est plus d’actualité, alors que le procès-verbal de l’audience sur laquelle elle se base - que nous avons lu - mentionne à plusieurs reprises que ce rapport est encore d’actualité. «Comment une juge peut-elle faire une telle erreur et retranscrire l’inverse de ce qui a été dit?» se révolte Mélanie, qui a, désespérée et en urgence, fait appel au Tribunal cantonal, puisque la décision entrait en vigueur… le jour de l’arrivée du recommandé à l’Office de poste. La Cour d’appel civile du Tribunal cantonal (TC) lui a pour l’instant donné raison, en établissant qu’il «paraît y avoir une mauvaise retranscription des déclarations» ainsi qu’en acceptant le fait que «l’exercice du droit de visite tel qu’il a été prévu ne peut pas être exécuté» et qu’il convenait donc de suspendre l’ordonnance.

Une proposition surprenante

Mais elle n’était pas au bout de ses surprises. En effet, la décision du TAR prévoyait que le passage de l’enfant se fasse par l’intermédiaire de la garderie ou du Point Rencontre. Ces deux solutions étant impossibles à concrétiser, Mélanie décide de ne pas amener son fils à la garderie les jours qui suivent. Le père, dans son droit, appelle la Police en demandant que les forces de l’ordre aillent chercher l’enfant au domicile de sa mère, afin qu’elle respecte le droit de visite. La police refuse cette mission, mais la suite stupéfie Mélanie: «Ce jour-là, on m’a proposé que le passage de l’enfant à son père se fasse par l’intermédiaire de l’Hôtel de Police. Vous imaginez déposer votre enfant de deux ans au poste de police? Cela me paraît totalement invraisemblable!»

Relations conflictuelles avec la DGEJ

Par ailleurs, Mélanie avoue, démunie, ne pas être prise au sérieux par la DGEJ, en charge d’un mandat de surveillance de l’enfant. «Ils refusent de se déplacer lors des moments où son père récupère notre fils, alors que je leur explique qu’ils sont difficiles. Les nuits sont terribles lorsqu’il revient de chez son père, mais on me répond qu’il s’agit peut-être d’un pur hasard! Comment est-il possible de faire si peu de cas de ce que les gens disent? Ils n’approfondissent pas, j’ai l’impression que l’on se moque de moi.». De son côté, Manon Schick, directrice générale de la DGEJ, précise et nuance: «La relation des parents avec la DGEJ peut être parfois tendue: les assistants sociaux sont mis à rude épreuve, se retrouvent confrontés à des parents qui se déchirent dans un conflit insoluble, et les assistants sociaux doivent suivre une seule ligne: celle de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si le parent n’est pas satisfait, il peut s’adresser à la hiérarchie de l’office ou sinon directement à l’autorité judiciaire.»

*prénom fictif, identité connue de la rédaction