Cet été, des bistrots lausannois devront fermer par manque de personnel

EMPLOI • Partis durant la pandémie, beaucoup d’employés de la restauration ne sont pas revenus à leur emploi d’origine. Résultat: une importante pénurie de personnel qui oblige les restaurants à s’adapter.

Si pour la deuxième fois de l’année, votre bistrot préféré affiche portes closes pour une semaine ou deux, ne vous méprenez pas: le restaurant où vous avez vos habitudes n’est pas une fois de plus en vacances, mais fermé faute… de personnel. La Brasserie de Montbenon s’apprête ainsi à fermer deux semaines cet été, par manque de cuisinier. Mais elle n’est de très loin pas la seule, de plus en plus de restaurants lausannois font face à d’énormes difficultés à recruter cuisiniers, mais aussi serveurs. «Même si c’est un crève-cœur car la reprise est là, je vais moi aussi être obligé de fermer trois semaines en août, alors même que j’ai un besoin crucial de faire tourner mon restaurant au maximum, puisque j’ai un prêt Covid à rembourser, témoigne un restaurateur du centre-ville. Sauf que mes employés doivent prendre des vacances et je n'ai personne pour les remplacer».

Pour éviter une fermeture estivale, d’autres restaurateurs ont choisi de diminuer le nombre de jours d’ouverture, ou alors de n’ouvrir que durant les heures les plus rentables. Et tant pis pour la sacro-sainte «fonction sociale» des bistrots.

Covid, mais pas seulement…

Bien sûr, même si le covid n’explique pas tout, nul doute que la pandémie a largement amplifié le problème. «Les bistrots ont fermé durant neuf mois, explique Frédérique Beauvois du collectif «Qui va payer l’addition?». Durant cette période, ils sont nombreux parmi le personnel de restauration à être partis pour prendre d’autres emplois pour pouvoir vivre. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, avec la reprise d’activité, le recrutement soit si difficile». Susan Sax, représentante de Gastro Lausanne, abonde: «C’est vrai que beaucoup d’employés partis lors de la pandémie ne souhaitent pas revenir. Un phénomène d’ailleurs accentué par le fait que parmi ceux qui sont restés, certains doivent prendre les vacances qu’ils n’ont pas pu prendre les années précédentes.»

Sans atteindre les proportions actuelles, la question du recrutement a toujours été problématique dans le monde de la restauration ou de l’hôtellerie, comme en témoigne l’important turn-over constaté depuis très longtemps dans cet univers. Les causes en sont connues de longue date: le métier est difficile, physiquement éprouvant et avec des salaires bas et des horaires entrecoupés et en soirée, à décourager tout adepte d’une vie de famille.

Même problème à l’étranger…

Problème: traditionnels pourvoyeurs de main d’œuvre dans la restauration et l’hôtellerie en Suisse romande, les pays voisins (France, Italie, etc) sont eux aussi confrontés à une pénurie de personnel. Difficile donc pour un employeur suisse de recruter à l’étranger, au point que certains suggèrent de se tourner vers les Ukrainiens, arrivés en Suisse à la faveur de la guerre qui ravage leur pays. «C’est juste oublier que les métiers de la restauration impliquent une vraie formation. C’est la raison pour laquelle nous appelons les autorités à réfléchir à la possibilité de recruter une main d’œuvre qualifiée dans la restauration, mais dans des pays tiers extra-européens», ajoute Frédérique Beauvois.

«Ce que l’on observe, c’est que les Ukrainiens sont souvent des personnes avec un haut niveau d’études, pour eux la restauration n’est pas vraiment une option, précise Gilles Meystre, président de Gastro Vaud. Et la plupart d’entre eux n’ont pas vraiment l’intention de s’établir en Suisse de manière durable. Il nous faut plutôt préparer l’avenir en améliorant les conditions de travail.»

Bonne nouvelle pour les futures vocations: dans le cadre des négociations salariales entre partenaires sociaux, la branche a accepté la semaine dernière une hausse des salaires pour 2023.