Pas de l’audace, simplement de l’opportunisme financier!

IMMOBILIER • La Ville de Lausanne vient d’obtenir un crédit supplémentaire en vue de procéder à des acquisitions immobilières. Elle présente l’opération comme une démarche sociale. Pas si simple!

Le combat a été âpre. Il s’est déroulé la semaine dernière lors de la séance du Conseil municipal. L’enjeu: la validation d’un crédit supplémentaire de 50 millions demandé par la Municipalité pour acquérir des immeubles. Au terme d’un affrontement sans surprise connaissant la réalité des forces politiques en présence, l’ultra-majorité de gauche l’a validé au grand dam de la droite, permettant à la Ville de s’engager plus encore pour «une politique immobilière qui offre d’autres réponses que celles de la loi du marché.»

Un droit de préemption

Lausanne a le droit de s’ériger en promoteur immobilier. La loi cantonale vaudoise sur le logement, adoptée en 2016, le lui permet. Elle peut acheter des immeubles en priorité, comme elle peut aussi ensuite les revendre à des acteurs locaux. Dans une région soumise à une très forte pression immobilière, ses autorités disent vouloir ainsi conserver en ville des logements à loyers abordables afin de maintenir une diversité et une mixité de la population qui, en partie, pourrait devoir s’exiler en raison des prix pratiqués.

Depuis 2020, la Ville a ainsi acquis onze immeubles, représentant quelque 200 logements. Ils sont proposés à la revente selon de strictes conditions, notamment en assurant des loyers modérés garantis, le maintien des locataires en place et la garantie de rénovations énergétiques. A noter qu’au passage qu’elle y trouve son compte: elle reste propriétaire du sol et s’assure ainsi un rendement qu’elle qualifie de raisonnable.

Des garde-fous

Faut-il applaudir des deux mains cette politique présentée comme sociale, ou y voir au contraire, comme la droite, un usage abusif de la loi? Dans un marché où, il faut bien le reconnaitre, la spéculation est de mise, on ne peut que se réjouir de voir une sorte de contre-pouvoir légal s’installer. Mais, est-il raisonnable pour une Ville qui croule sous les dettes et peine déjà, par exemple, à rénover ce qu’il y a à rénover, de s’engager encore plus à fond dans ce domaine, alors que des garde-fous existent aussi pour assurer une mixité sociale, avec un équilibre entre loyers subventionnés, contrôlés et en marché libre? Ceci d’autant plus, si on y regarde de plus près, que le mécanisme imaginé, qui permet de retirer une rente régulière sans prendre aucun risque, s’apparente plus à une opération purement financière qu’à autre chose. Et cela, ce n’est ni dans l’esprit de la loi, ni de ceux qui prétendent vouloir défendre une certaine éthique. Ce n’est pas de l’audace, ça s’apparente plus à du simple opportunisme financier.