Quand des élèves font l'école en pleine forêt...

PEDAGOGIE • Apprendre en pleine nature est une pratique qui séduit de plus en plus de parents. La région lausannoise ne fait pas exception à cette tendance partie pour durer.

  • Explorer la faune et la flore ouvre la voie à de nouvelles compétences. 123RF

    Explorer la faune et la flore ouvre la voie à de nouvelles compétences. 123RF

«Les enfants sont encouragés à expérimenter» Philippe de Korodi, directeur du Collège Champittet

Les canapés forestiers sont dans l’air du temps. Le bon. Pas celui qui attise l’éco anxiété ambiante via un martelage médiatique souvent peu constructif. Non. En marge de ce vent mauvais, une véritable conscience écologique s’éveille et souffle plus sainement. Un nombre grandissant de parents sont ainsi désireux de connecter leurs bambins à la nature dès leur plus jeune âge via une des propositions d’école en forêt ayant vu le jour ces dernières années en Suisse romande.

La région lausannoise n’a pas raté ce train. Deux exemples parmi d’autres: «convaincus des bienfaits de la nature sur le développement de l’enfant et expérimentés dans cette approche originale», la crèche Les Petits Savio ambitionne par exemple «d’éveiller à la nature en anglais dès l’âge de 18 mois, au cœur de Lausanne» à Montchoisi. Le jardin d’enfants des Petits Soleils à Lutry propose de son côté «une immersion totale en forêt, point de départ de toutes les explorations.»

Antidote au trop d’écrans

Le prestigieux Collège Champittet de Pully s’y est mis aussi en proposant une «école à ciel ouvert». Quelques heures par semaine, les enfants du préscolaire et du primaire y font classe dans la nature. «Explorer, respirer un air pur, être sensibilisés à l’environnement, apprendre et acquérir des connaissances et compétences nouvelles. Les enfants sont encouragés à expérimenter en pleine nature, un manque évident dans nos populations citadines au mode de vie sédentaire et ce changement d’habitude les éloignera aussi des écrans», synthétise Philippe de Korodi, directeur de l’institution.L’école à la forêt est effectivement un peu l’antidote à ces écrans envahissants qui déconnectent en prétendant connecter et dont les ravages sur les jeunes cerveaux sont étayés par de nombreuses études scientifiques. En forêt au contraire, par tous les temps, on touche, on caresse, on triture, on hume, on goûte même. On cuisine, on fait du feu, on bricole. On se recalibre sur une vitesse humaine au rythme des saisons. Ce faisant, on cultive l’émerveillement. Soit le catalyseur de la curiosité présente naturellement en chaque enfant selon la célèbre pédagogue Maria Montessori (1870-1952). Dans la nature, l’apprentissage passe par le corps et les émotions avant de s’ancrer dans l’intellect.

Aiguiser ses sens

Urielle Revertera, dont les deux aînées fréquentent un jour par semaine un canapé forestier, témoigne: «la préparation de leur sac ce jour-là est un peu plus longue mais le jeu en vaut la chandelle. Le soir, on les récupère toujours à la fois enthousiastes et lestées d’une bonne fatigue. En forêt, nos filles renforcent leur motricité, leurs sens, leur confiance en elles, leur créativité, leur imaginaire et même leur système immunitaire...»

En 1997, l’étude Moore & Wong expliquait déjà: «Un environnement naturel est fondamental pour un développement sain d'un enfant parce qu'il stimule tous les sens, sans les sur-stimuler. Les expériences directes en nature par les sens aident les enfants à développer les connexions neurologiques nécessaires pour un futur développement intellectuel favorable.»

La HEP dans le coup

La psychologue romande Sarah Wauquiez en a potassé une septantaine d’autres pour écrire son livre de référence «Les Enfants des bois». «La nature est un espace d’explorations et d’expériences sans limite. Un espace de jeu et d’apprentissage pour les enfants, mais surtout un outil pédagogique pour le développement de leur lien à la vie. Les trois buts principaux sont le plaisir de l’enfant, son développement intégral, et lui permettre de fonder une relation émotionnelle à la nature», résume la spécialiste.

«La forêt est un lieu idéal pour intégrer différentes disciplines: sciences, géographie, histoire, mathématiques, français», confirme l’Etat de Vaud lui-même, lequel propose sur son site internet six fiches ad-hoc aux jeunes et divers documents pédagogiques pour leur professeur. Un «cours de formation pour les enseignants pour l'animation en forêt» est même proposé par la Haute école pédagogique vaudoise (HEP), preuve que la tendance est prise au sérieux et semble partie pour durer...