Médicaments de demain: l’EPFL avance à pas de géant

RÉVOLUTION • Imaginez un futur où les maladies jusqu’ici difficiles à traiter pourraient être soignées aussi simplement que lorsqu’on prend un comprimé pour se débarrasser d’un mal de tête. Cette vision pourrait bien devenir réalité grâce aux recherches sur les peptides oraux menées par le professeur Christian Heinis et son équipe à l’EPFL.

Le professeur Christian Heinis et son équipe frappent fort dans le domaine médical avec la mise au point de médicaments oraux capables de cibler tout un éventail de maladies. Connues sous le nom de peptides cycliques, ces molécules en forme d’anneau sont naturellement présentes dans notre corps et régulent de nombreuses fonctions vitales. Elles composent notamment les hormones, comme l’insuline, qui contrôle notre taux de sucre dans le sang.
Leur utilisation en tant que médicament pour soigner les personnes diabétiques est déjà connue; malheureusement, le traitement est contraignant car il nécessite des injections quotidiennes. «La plupart des médicaments que l’on prend par voie orale sont efficaces car leurs petites molécules résistent à la dégradation de l’estomac et ont la capacité de traverser les membranes cellulaires. Ce qui pose problème avec les peptides, qui sont moins stables et ont une taille plus importante. Leur injection était donc inévitable... jusqu’à présent», nous confie avec optimisme le professeur Heinis.
Une limitation qui appartient bientôt au passé
Les peptides oraux sont sensibles à la digestion, si bien que très peu, voire aucun, n’atteignent notre circulation sanguine après ingestion. Les chercheurs de l’EPFL ont donc travaillé sur une nouvelle approche pour qu’ils soient plus petits et stables, tout en élargissant leur champ d’action à d’autres maladies, notamment les cancers. Et ils ont réussi: «Nous avons porté à 18% la proportion de peptides encore disponibles après une prise orale et amélioré leur capacité à se lier aux molécules prises pour cible lors de maladies. C’est ce qui va nous permettre, dans le futur, de bloquer certaines interactions et d’empêcher la croissance des cellules cancéreuses» explique l’équipe. Cette avancée ouvre la voie à de nouvelles alternatives thérapeutiques qui, avec un peu de chance, remplaceront bientôt certains traitements inconfortables pour les patients.
Plusieurs coups de pouce non négligeables
Pour être capable de lutter contre tout un tas de maladies jusqu’à présent incurables, il faudra toutefois produire des dizaines de milliers de peptides différents et les tester un par un. Et encore, les chercheurs ne considèrent ici que les candidats les plus prometteurs. Les avancées en intelligence artificielle facilitent désormais la pré-sélection virtuelle de certaines structures de peptides, avant même leur synthèse. Les laboratoires bénéficient également aujourd’hui de machines automatisées pour produire, trier et tester les molécules, le tout coordonné par des bras robotiques. Un sacré gain de temps qui nous rapproche un peu plus chaque jour d’une médecine plus accessible et efficace.  
Le 26 février dernier, une étape importante dans cette recherche a été franchie grâce à l’investissement de 26 millions d’euros accordé par les entreprises Novo Holdings et Forbion. La société de biotechnologie Orbis Medicines, basée à Epalinges, se prépare à présent à développer et évaluer cette nouvelle génération de peptides à grande échelle